Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les Bonheurs de Camille (et pas que).
Les Bonheurs de Camille (et pas que).
Publicité
Archives
17 novembre 2014

Asgeir

L'hiver approchait, l'année dernière quand j'écrivais mon artcile sur mon blog (camilleetunevie.canalblog.com). Et un vent frais nous vient d'Islande. Il se nomme Asgeir et a sorti son premier album en anglais " In The Silence " début 2014.

Peut-être un titre clin d'oeil à Simon & Garfunkel dont il a repris le titre "The Sound Of Silence" en faisant les voix de Simon ET Garfunkel.

Au delà de cette reprise, Asgeir est un viking à l'âme mélodieuse. La musique tout comme sa voix s'accordent parfaitement pour nous emmener loin dans le pays du froid.

Fermez les yeux !

Asgeir-008

Et en live, Asgeir chante islandais, reprend Nirvana et nous fait voyage dans le froid. Il est perfectionniste et timide. je l'ai préféré en intérieur plutôt que lors du Festival We Love Green de ce printemps. Le son résonne et il envahit notre coeur.

 

Les IInrocks écrivaient sur l'album (un roman) :

"A 21 ans, l’Islandais Asgeir rénove le folk par une électronique discrète. Son poétique parolier, lui, a 74 ans : c’est son père. Ou comment paternel et fiston ont appris à se connaître grâce à « In the Silence », premier album fait pour l’amour. Rencontre, critique et écoute.

C’est l’histoire d’un garçon qui pour se rebeller contre le savoir immense de son père ne lira pas et ne fera que du sport, à s’en craquer le corps. L’histoire d’un garçon qui a passé des années à graver le nom de Kurt Cobain sur les tables et les cailloux, pour en même temps entrer en croisade contre la drogue, “le signe du diable”, dit-il. C’est l’histoire d’un garçon qui vient d’un îlot de lave à peine durcie, à la dérive entre l’Europe et le Groenland : pas même l’Islande, mais un rocher au large du petit pays. C’est l’histoire d’Asgeir, et elle est accidentée comme une saga locale.

Elle commence donc sur une île, au nord de l’Islande, quelques dizaines d’âmes : principalement des moutons. On demande au frêle et inquiet jeune homme si le titre anglais de son premier album remonte à cet apprentissage de sa vie : In the Silence. Comme souvent, il offrira ce sourire typique des gens du Grand Nord, où se lovent toujours des restes de mélancolie. “On peut dire ça, je viens vraiment de l’isolement, de la désolation… Il n’y avait rien à faire et beaucoup de silence.” Asgeir raconte comment il a ensuite déménagé sur l’île principale, à Laugarbakki, hameau rural de 40 habitants (la plupart retraités). Grâce à l’école, il entre en contact avec le monde urbain : Hvammstangi, 580 habitants. Asgeir se découvre alors un nouvel allié. “Internet est arrivé chez nous quand j’avais 7 ans. Soudain, avec les réseaux sociaux primitifs, je pouvais dialoguer avec des gens de mon âge.”

 

Nirvana, Johnny Cash et Bob Dylan

Un de ses nombreux grands frères, qu’il vénère (et qui joue désormais avec lui), lui fait découvrir le rock : il a 6 ans, c’est Nirvana, c’est Nevermind. “Une obsession. Ma mère était très inquiète par cette passion absolue. A 11 ans, j’ai formé mon premier groupe, dans le garage d’un copain batteur, on y passait six heures par jour, toute la semaine… Je me suis ensuite passionné pour Johnny Cash ou Bob Dylan, c’est venu le jour où, sur ma guitare, j’ai changé les cordes en Nylon pour des métalliques. Ça a bouleversé ma vie !

Un autre contact métallique est une révélation pour le jeune Asgeir. Le javelot. Il passe des journées entières, puis des nuits polaires, à lancer inlassablement son javelot dans la solitude islandaise, s’entraînant seul par -15 °C, récupérant son précieux outil de travail à la lampe de poche. De 13 à 17 ans, le javelot supplante même le rock dans son esprit confus. Il enregistre toutes les compétitions disponibles à la télé et regarde inlassablement les vidéos pendant des mois, en extase.

Mais son corps, soumis à une autodiscipline spartiate, finit par craquer : c’est la fin de ses ambitions olympiques. Il peut enfin boire, chiquer du tabac, s’amuser. “Jusque-là, je considérais ceux qui fumaient ou buvaient comme des losers, des inutiles.” Retour à la musique. “Un malheur pour un bien.” A l’adolescence, ses parents avaient déjà tenté de le sortir de l’isolement en déménageant près de Reykjavík : échec. “J’étais terrifié par la grande ville, je pleurais continuellement, mes parents ont été obligés de repartir au nord. J’aime trop le vide, les grands espaces… Contrairement aux autres adolescents, je ne rêvais pas d’être anonyme dans une ville, j’aimais au contraire être protégé par une petite communauté.

La solitude parmi les autres

Mais il y aura bien une cassure : le jeune homme si avenant, si populaire, si ouvert se referme comme une huître, se renfrogne quand, à 16 ans, il doit finalement quitter Laugarbakki pour achever ses études à Reykjavík. Il découvre, seul cette fois, la solitude parmi les autres, les rites urbains – et rentre, neige ou tempête, chaque week-end à la campagne. “A Reykjavík, je me suis immédiatement senti à part, je me suis un peu plus encore réfugié dans ma tête… Pour la première fois de ma vie, je ne connaissais aucun des visages que je croisais dans la rue. J’étais estomaqué par le bruit, l’urgence… Aujourd’hui que je voyage à Londres ou New York, je me rends compte que Reykjavík est un village.”

Un “village” où il se remet, pour tuer l’ennui et le désœuvrement, à l’écriture de musique, cocufiée par le javelot. “La musique avait pourtant toujours été fondamentale, centrale à la maison. Une sœur joue du violon, mon père de l’accordéon. Ma mère – qui joue de l’orgue et dirige la chorale à l’église – m’a acheté ma première guitare pour mes 6 ans. A 7 ans, je prenais des cours de guitare classique, je n’ai arrêté qu’il y a deux ans.” Parlant de l’écriture, il dit : “Il me fallait une soupape pour vider ma tête, purger mon imagination.

Pourtant, et c’est cocasse, Asgeir n’a jamais écrit les paroles de ses chansons. Pour son album, c’est un homme de 74 ans qui s’en est principalement chargé, un poète reconnu et homme de lettres insatiable : son propre père.

Dès mon premier groupe, j’écrivais les chansons, mais pas les mots : ça m’est resté. Je ne pense jamais en termes de paroles, j’invente des mots, ça n’a aucun sens, juste un son. Mes premières maquettes ont été enregistrées ainsi : avec des paroles qui ne veulent rien dire ! En Islande, les gens qui les ont entendues pensaient que je parlais super bien anglais ! Il y a un peu plus d’un an, j’ai décidé d’enregistrer une chanson, une seule, pour voir, dans un vrai studio. Et là, le producteur m’a poussé à enregistrer plus, ce n’était pas du tout prévu. Peu à peu, un album est né, mais il lui fallait désormais des paroles. Le sortir comme ça, en charabia, aurait été une honte nationale en Islande ! Chaque soir, après l’enregistrement des chansons, je les envoyais par mail à mon père, qui me les renvoyait le lendemain avec des paroles ! Lui écrit de la poésie depuis ses 10 ans, il avait déjà écrit des textes pour des chanteurs islandais. Il est la première personne à qui j’ai pensé.”

La trouille de se lancer ?

On évoque l’ombre peut-être écrasante d’un tel puits de science et d’expérience : Asgeir ricane à l’idée de possibles inhibitions. “Oui, j’ai sans doute la trouille de me lancer. Si j’écrivais en islandais, mon père serait un critique impitoyable ! Je veux apprendre à ses côtés à écrire d’aussi beaux poèmes. En travaillant ensemble, on a appris à se connaître, à se rapprocher. L’un et l’autre, on a assemblé ce qu’on aime le plus au monde : moi la musique, lui la poésie… Nous parlons désormais de choses que nous n’avions encore jamais abordées.”

De cette collaboration naîtra l’an passé Dýrð í dauðaþögn, premier album riche en rêves, fuites et fugues, aux confins très amoureux du folk et de l’electronica. Un premier disque enregistré presque par hasard et qui s’est imposé en Islande comme la plus grosse vente jamais réalisée par un premier album local : près de 10 % de la population en détient un exemplaire. “C’est mon ancien prof de guitare et d’athlétisme qui m’a poussé à l’enregistrer, à le sortir. Pour moi, ce n’était que des maquettes sans ampleur, mais il était enthousiaste, son avis a compté plus que tout : c’est presque un second père pour moi. Sans lui, je n’aurais jamais rien fait sérieusement, ni le sport, ni la musique.

Encore lycéen, Asgeir considère cette possibilité d’enregistrer un album non comme une première mais comme une dernière chance, avant d’entrer dans la vie active – il hésite alors entre instituteur et prof de musique. “Je n’avais pas la moindre idée de ce qui allait sortir de ce studio. Mon premier passage sur une radio nationale, c’était déjà une consécration, un miracle. J’aurais pu m’arrêter là et mourir heureux.”

Puis tout s’est enchaîné : les ventes, les concerts, le matraquage radio, les récompenses… La vie du timide Asgeir est bouleversée : on l’arrête dans la rue, on l’invite dans le monde entier. Car en Islande aussi, les murs (du son) ont des oreilles et il faut peu de temps pour que des labels internationaux se penchent sur ce triomphe sans précédent. Mais hors de question pour eux de sortir cet album en islandais, sous son titre indéchiffrable, Dýrð í dauðaþögn.

Il faut lui trouver un titre anglais et un traducteur : ça sera In the Silence et John Grant. L’Américain est parfait : il a déjà accueilli Asgeir en première partie de ses concerts, mélange lui aussi folk et electro, et son parcours dingue lui a fait poser ses valises à Reykjavík, après le Texas, la Russie ou l’Allemagne. Quand on lui demande s’il vit cette version internationale comme un compromis, voire un renoncement, Asgeir regarde ailleurs. “Ce qui est fait est fait… Je ne veux pas dire que cette version est moins personnelle mais… Ce ne sont pas les chansons de mon père… Disons que sur scène, où que je sois dans le monde, je reviens souvent aux versions islandaises des chansons. Partout où je vais, l’Islande me manque.”

Un album tourné vers le soleil

On reconnaît d’ailleurs parfaitement la couleur dominante – pâle, délavée – de ce premier album, c’est celle qui éclaire, à l’horizontale, l’Islande et sa belle désolation. Mais plutôt que de plonger dans un de ces gouffres effarants que réserve la nature traître de l’île aux promeneurs inattentifs, ces chansons – grâce à un pouvoir mélodique qui tient du sortilège – s’adressent constamment au soleil, en un clair-obscur rarement entendu depuis Bon Iver. “La noirceur, au propre comme au figuré, j’ai vécu toute ma vie avec. Dans mon village, il fait nuit 24 heures sur 24 en hiver, beaucoup de gens sombrent alors dans la dépression. Puis viennent les jours sans fin de l’été, et ils sont extatiques. On passe d’un extrême à l’autre, mais sans équilibre…

I’m violently happy”, chantait Björk, évoquant ce radicalisme de toutes choses islandaises, de l’humour au climat. “Nous, on rigole surtout des Danois et de leur langue à la con, on les imite : c’est une façon de nous venger des années d’Occupation, des cours obligatoires à l’école.” Une façon comme une autre de revendiquer son autarcie, son isolement. D’en faire même un motif de fierté, notamment en musique depuis que Björk, Sigur Rós, Emilíana Torrini, Of Monsters And Men ou GusGus ont avantageusement remplacé, comme ambassadeurs de la nation, les “nouveaux vikings”, suicidaires financiers d’une économie désormais effondrée.

Nous ne sommes que 350 000 Islandais. Le marché est donc très réduit, on ne fait pas de la musique pour réussir, mais pour le plaisir. Personne ne peut en vivre, alors on joue la musique qui nous tient vraiment à cœur, sans chercher à copier, à percer… Et c’est peut-être pour ça que certains d’entre nous font une carrière internationale : car ils sont uniques, n’en font qu’à leur tête.” Et Thor sait à quel point la tête d’Asgeir nous revient.. "

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité